J’espère, en écrivant ceci, ne pas me heurter à d’acerbes commentaires de personnes qui se croiraient mieux que moi, qui réussiraient mieux que moi, qui penseraient que j’en fais trop, que je suis nulle ou que je m’invente des problèmes. Si j’écris ceci c’est parce que j’ai besoin de partager ce que je ressens depuis maintenant quatre ans. Ca n’a pas été facile pour moi de comprendre que le problème ne venait pas de moi, que je n’étais pas la cause de ce que je ressentais, que tout ceci était du à quelque chose d’extérieur que je ne pouvais pas contrôler. J’ai mis beaucoup de temps à réaliser que si je ne me sentais pas bien, ce n’était pas parce que moi je n’y arrivais pas, mais parce qu’on ne m’aidait pas à réussir. Evidemment, à mon âge, on est censé pouvoir se débrouiller par soi-même. Quand on sort du lycée, on change de monde. On entre dans la « cour des grands », si je puis dire. Pourtant, à 18 ans, est-ce qu’on est vraiment un adulte ? Non absolument pas. Est-ce qu’on a besoin d’être aiguillé et rassuré? Oui complètement. Et même aujourd’hui, alors que je m’approche de mes 22 ans, que certains travaillent déjà depuis longtemps et sont bien loin de toutes ces histoires, je suis encore tout aussi perdue qu’il y’a quatre ans, ou même qu’il y’a huit, et j’ai encore besoin qu’on m’aide et qu’on m’écoute.
Du plus loin que je me souvienne, et surtout à partir du moment où j’ai commencé à me demander SÉRIEUSEMENT ce que je voulais faire, j’ai toujours voulu faire du droit. C’était une sorte de vocation, si on peut dire ça comme ça. En plus, aller à la fac me permettait de ne pas branler grand chose au lycée et simplement de me contenter d’avoir mon bac, donc ça m’allait parfaitement. C’est donc tout naturellement que je suis arrivée en fac de droit à 18 ans, à Nanterre. Jusque là, tout va bien, j’étais hyper heureuse d’être là, j’allais enfin faire quelque chose qui me plaisait après m’être fait chier sur les bancs de l’école pendant des années et n’avoir jamais trouvé un quelconque intérêt à ce qu’on nous faisait ingurgiter. Et en effet, c’est ce qui s’est passé. J’ai très rapidement pris goût à ce qu’on nous racontait, j’ai pris goût à travailler en autonomie, à ne pas attendre qu’on nous donne des devoirs pour travailler, à me renseigner par moi-même sur les actualités juridiques et tutti quanti. Mais, très vite aussi j’ai compris que ça n’allait pas être facile, et que si je voulais y arriver, il allait falloir que je me fasse mal. Tellement mal, que j’ai ruiné ma première année. Non, ne te méprends pas : je l’ai eu, ma première année. Mais à quel prix ? Le travail et les révisions m’étaient tellement rentrés dans la peau, que je ne pensais plus qu’à ça, je culpabilisais dès que je faisais autre chose, j’avais tout le temps peur d’échouer, je ne savais pas comment faire pour mieux travailler, j’étais complètement perdue. En plus, avec le peu de soutien et d’aide qu’on recevait, j’ai fini pas complètement sombrer dans le crises d’angoisse. Alors, non, je ne veux pas dire que je ne faisais des crises d’angoisse qu’à cause de la fac car c’est faux. Mes crises ne se centraient absolument pas qu’autour de ça, mais c’est bien par la fac qu’elles ont été déclenchées. Cet état de tension et de pression permanent sans jamais avoir de répit m’a mise dans une situation que je n’avais jusqu’à lors jamais connue.
Aujourd’hui, ça va mieux, j’arrive à prendre du recul, les crises d’angoisse vont mieux et la pression par rapport à mes études un peu mieux aussi. Pourtant, j’avance dans les années. Pas avec brio, avec beaucoup de difficultés. Je ne suis pas une étudiante brillante. Je galère pour obtenir ce que je veux. Je n’ai jamais eu de facilités, j’apprend lentement parce que j’ai de gros problèmes de concentration. Résultat, je travaille énormément mais sans beaucoup d’efficacité. Et je pense que c’est ça le plus dur : se donner autant pour ne pas récolter les fruits de tout ce travail. Je ne veux pas trop m’en plaindre, car je sais que certaines personnes stagnent et n’arrivent pas à passer au niveau supérieur. Moi j’y arrive, mais encore une fois : à quel prix ? Je suis sans cesse épuisée, sans cesse sous pression. Quand on me demande « quoi de neuf? » la seule chose que je trouve à répondre c’est de parler de l’université. Et tout ça, ça me rend triste. Ca me rend triste parce qu’avant j’étais une fille enjouée, gaie, je sortais énormément, j’étais tout le temps partante pour faire des conneries, je me couchais et me levais à pas d’heure et j’en avais rien à foutre. Aujourd’hui, j’ai l’impression que l’université m’a fait prendre 15 ans dans la tronche. Je ne suis plus la jeune fille insouciante que j’étais. Pourtant, autour de moi, les autres s’en sortent. Ils continuent à être insouciants tout en menant leur petit bonhomme de chemin juridique à bon port. Alors, le problème vient de moi ? C’est ce que j’ai cru pendant longtemps.
Aujourd’hui, je pense être capable de dire que le problème ne vient pas de moi, même si une grosse part de moi-même pense encore parfois que il doit bien y avoir un truc qui cloche chez moi. Je ne sais pas comment trouver la solution à tout ça. Je ne sais pas comment accepter que je ne suis rien ni personne parmi cette masse d’étudiants. Je ne sais pas comment trouver ça normal qu’on nous laisse seuls face à des choix de vie cruciaux, sans jamais nous aiguiller, nous parler de la vraie vie. On nous offre un enseignement de qualité, avec des profs brillants, mais sans jamais s’inquiéter de ce qu’il y’a derrière. Alors parfois, derrière, ça s’envenime. Qui plus est, quand une compétition malsaine se met en place, on ne peut plus rien faire. J’en étais venue à flipper de tomber malade, non pas parce que j’avais peur pour ma santé, mais parce que je ne savais pas comment j’allais rattraper les cours.
On attends de nous qu’on connaisse tout nos cours et bien plus sur le bout de doigts, qu’on soit capable de les restituer dans un temps imparti très court, sans jamais faillir, sans jamais avoir peur, sans jamais prendre un jour de repos. Sauf que dans la vraie vie des vrais humains : c’est impossible. Et quand on failli, personne n’essaye de comprendre. Alors oui, je sais, c’est fini le lycée, c’est fini d’aller raconter au prof principal les soucis qu’on a avec papa et maman qui se disputent et qui nous empêchent de dormir le soir et que c’est pour ça qu’on s’endort en cours. Je sais tout ça, je ne demande pas un suivi psychologique, loin de là, déjà parce qu’on est pas là pour ça et ensuite parce que si je veux un suivi psychologique je m’adresse à quelqu’un dont c’est le métier. Je demande simplement qu’on n’arrête de nous considérer comme des machines, comme des numéros, comme une masse informe qui ingurgitent des informations et les recrachent bêtement à la fin du semestre. C’est pas ça la vie. La vie, c’est mettre des connaissances en pratique. La fac de droit, on nous en fait miroiter des belles, mais c’est tout sauf de la mise en pratique. C’est du gavage d’oie sans sentiment.
Je suis censée vivre les plus belles années de ma vie, celles pendant lesquelles j’agis encore sans réfléchir, je profite de chaque instant, je rencontre des nouvelles personnes chaque jour, je fais mes expériences, je me créé des souvenirs. Et pourtant, c’est tout le contraire. Et je me sens très seule.
J’espère avoir réussi à faire passer le message que je voulais. Ce n’est pas facile pour moi d’écrire tout ça, alors si tu veux me juger ou me dire que je devrais faire du thai-chi, merci de t’abstenir. En revanche, si tu veux échanger avec bienveillance, c’est avec plaisir ;).
Prends soin de toi,
Gingerbread.
17 avril 2017 at 14 h 41 min
Je pense que le pire c’est cette forme d’anonymat permanent où on ne sait jamais à qui s’adresser quand on a un soucis et un doute, et également le fait qu’après la terminale, où déjà on ne nous aidait pas beaucoup, plus aucune question d’orientation ne se pose. Comme ci en quelques mois on était soudain capable de déterminer la matière qu’on veut étudier, le métier qu’on veut exercer etc.
Mais je suis sûre qu’on finira par trouver ce qu’il nous faut et s’épanouir, et tu n’es pas seule dans cette galère ❤ (et on emmerde ceux qui sont dans la compèt)
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